C’est dans une vision épurée et minimaliste que Chloé Desjardins offre une réflexion particulièrement fine sur l’objet d’art. Avec Indices, elle trace un jeu de pistes permettant de questionner (plus que d’affirmer) le statut de l’œuvre et ses enjeux.
Sa technique de prédilection ? Le moulage. Ce procédé consiste à prendre l’empreinte d’un objet, empreinte destinée à servir de moule. Plâtre, bronze, cire ou céramique sont ensuite coulés à l’intérieur dudit moule pour définir une pièce de forme identique. Les objets premiers de Chloé Desjardins sont des choses ou des dispositifs qui servent à contenir, d’une part, et qui évoquent ou appellent la manipulation, d’autre part. Il peut s’agir de papier bulle, de papier froissé, de carton ou de gants en latex. Quoi qu’il en soit, ce sont des matières malléables ayant une forte résonnance sensorielle : difficile de ne pas jouer avec les gants ou le styromousse, encore plus de ne pas être tenté de faire éclater les bulles de papier bulle.
Les œuvres de Chloé Desjardins activent un réflexe d’attraction-répulsion qui permet de nous faire réfléchir à notre rapport aux objets : attraction de la matière malléable de l’objet premier, répulsion de la forme moulée, rigide et intouchable. Ses œuvres sont d’autant plus intouchables qu’elles sont disposées à l’intérieur de vitrine ou sur un socle. Le choix de l’artiste pour la mise en espace n’est pas anodin. Est-ce une manière de les protéger du spectateur, de les conserver ou de les mettre en valeur ? L’ironie de la chose, c’est que ces objets qui nécessitent un dispositif de protection, ce sont initialement des matières protectrices d’œuvres, qui une fois moulés, sont élevés au titre d’œuvres et deviennent sacralisées.
L’artiste excelle à transformer le banal en hors du commun que ce soit par la mise en espace ou par le traitement des matières. En effet, la brillance de la porcelaine des papiers froissés dans Drafts ou celle du bronze du papier bulle et des pépites de styromousse dans Bronzes leur confère une préciosité qui n’est pas sans nous rappeler celle des porcelaines de Saxe ou de Limoges. Disposées sous leur vitrine, ces sculptures deviennent des objets de collection. Mais la brillance du traitement n’est pas le seul indicateur d’exception de l’objet. La série Double, faite de plâtre, matière brute et opaque, rappelle dans sa disposition la découverte de trésors enfouis, artéfacts des temps anciens et perdus, donc inestimables.
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Chloé Desjardins’ uncluttered and minimalist vision offers a particularly fine reflection on the art object. With Indices, she leads us into a treasure hunt that brings us to question (more than to affirm) the status of the work and what is at stake.
Her favourite technique? Moulding. The process consists in taking the imprint of an object, then using the imprint as a mould. Plaster, bronze, wax or ceramic are subsequently poured into the interior of the said mould in order to create an identical shape. The primary objects used by Chloé Desjardins are things or devices that serve as containers, as well as those that incite or encourage manipulation. Bubble wrap, crumpled paper, cardboard or latex gloves may be used. Whatever they happen to be, these malleable materials must have a strong sensory component: it’s hard not to play with the gloves or the Styrofoam and especially tempting to burst the bubbles in the bubble wrap.
Chloé Desjardins’ works trigger an attraction-revulsion reflex that prompts us to reflect on our relationship towards objects: our attraction to the malleable material of the primary object as opposed to the repulsion felt towards the molded, rigid and untouchable form. Her works are rendered even more untouchable as they are placed behind glass or on a stand, an intentional choice made by the artist. Is this meant to protect them from the spectator, to conserve them or to enhance their value? The irony of the matter is that the objects that now need a protective device were initially protective material for artwork, but now that they are moulded, they are elevated to the status of artwork and thus made sacred.
With Chloé Desjardins, everything is a paradox. The artist excels in transforming the commonplace to something out of the ordinary by her placement or her treatment of materials. Indeed, the brilliance of porcelain in the crumpled paper in Drafts or that of the bronze of the bubble wrap or the chips of Styrofoam in Bronzes confers a precious quality onto the works that evokes fine Saxe or Limoges porcelain. Placed behind glass, the sculptures become objects of a collection. However the shiny treatment is not the only indicator of the exceptional quality of the object. The plaster used in the Double series, an opaque and raw material, imparts a quality reminiscent of hidden treasures, lost artefacts of ancient times now become invaluable.
Within the confines of paradox and tension, Chloé Desjardins proposes a singular voyage throughout this production and artistic presentation. And of course the artist taints her reflection with an unavoidable touch of irony that only adds to the depth and riches of her works.
Émilie Granjon